Institut pour la démocratie

Résumé des principes de la démocratie

Il convient tout d’abord de réhabiliter le mot démocratie, pour deux raisons. Tout d’abord, il est souvent utilisé à mauvais escient, notamment quand il est associé sous sa forme adjectivée. à des objets d’une tout autre nature qu’un régime politique. Pour qu’un acte puisse être qualifié de non démocratique, il faut être capable de préciser le principe de la démocratie qui est bafoué, ce qui suppose de les connaître et mieux encore d’être capable de les énumérer. Le mot a été par ailleurs galvaudé en raison de défauts constatés dans son incarnation réelle ou supposée, imperfections qui ne remettent pas en cause l’idéal poursuivi.

Nous présentons ici, sous la forme d’un modèle de Déclaration des libertés et des devoirs du citoyen, un résumé des principes de la démocratie.

Exemple de préambule constitutionnel

Déclaration des libertés et des devoirs du citoyen

Nous, citoyens du monde, soucieux de donner à chacun une plus grande chance de s’épanouir, proclamons notre attachement aux principes de la démocratie.

  1. Chaque citoyen est souverain. Il place le bien commun en tête de ses intérêts particuliers. Il renonce à la violence et confie le monopole de la coercition à l’État. Les conflits d’intérêt et d’opinion se résolvent par des échanges pacifiques. La force publique s’exerce dans les formes légales et pour les motifs dont la légitimité est dûment constatée.
  2. Les libertés forment un tout indivisible : liberté de pensée, de religion, d’expression, de propriété, de don, d’union, de réunion, de création, d’association ; liberté de s’instruire, de travailler, de circuler, d’échanger, de contracter et d’entreprendre. Les libertés de chacun ne peuvent porter atteinte aux libertés d’autrui. Nul ne peut se voir retirer une liberté sur simple présomption de comportement délictueux.
  3. Les citoyens participent à la vie publique. Ils délèguent leur souveraineté par la voie d’élections. La définition de qui est citoyen et participe à la sphère publique relève de la loi. Les choix politiques se décident au niveau le plus proche possible du citoyen. Les élus s’efforcent de concilier le souhaitable et le possible. Les partis proposent des orientations et sélectionnent des candidats. Les scrutins visent à réunir une majorité de citoyens pour soutenir l’action commune. Le chef de gouvernement est placé sous le contrôle des élus nationaux. Les compensations auxquelles les élus ont droit ne visent pas à leur procurer un métier. Les professionnels de l’information veillent à la véracité des savoirs et des nouvelles qu’ils diffusent.
  4. Le chef de l’État incarne l’unité nationale et le respect du droit. L’État a pour fonction première de fixer les lois. Les députés ne sont pas la source absolue de la loi. Ils sont éclairés de façon contradictoire par des experts indépendants de la puissance publique. Les lois sont les mêmes pour tous. Elles ne peuvent interdire que les actes nuisibles à la société. La nature des peines relève de la loi. Les peines sont proportionnelles à la gravité des délits. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements dégradants.
  5. La Justice veille au respect des lois. La Justice est saisie après épuisement des procédures de conciliation privées. Les magistrats sont indépendants du pouvoir politique. L’État garantit la permanence de ses fonctions. Les emplois dans les services publics sont accessibles à tous. Ils ne sont jamais acquis à titre définitif. Ils sont attribués aux conditions les plus avantageuses pour le Trésor public. Les services publics s’abstiennent d’accomplir les tâches que les citoyens peuvent accomplir en s’associant librement. L’utilité commune d’une activité peut justifier un financement collectif. Les aides publiques n’impliquent pas la création d’un monopole restreignant la liberté de choix. Elles sont accordées de façon transparente et selon des règles propres à sauvegarder l’intérêt de tous. Le champ de l’utilité commune est défini par la loi ou les assemblées territoriales concernées.
  6. La redistribution de la richesse collective s’opère par le financement des charges communes. Elle tient compte des capacités contributives de chacun. Les citoyens consentent à l’impôt et à la dépense publique par l’intermédiaire de leurs délégués. Les gestionnaires des deniers publics sont astreints au devoir d’économie. Ils veillent à équilibrer les dépenses et les recettes. Il est interdit de reporter sur les générations futures les dépenses courantes.
  7. Le critère de la justice dans la répartition de la richesse est la contribution de chacun à la production de celle-ci. Si les partages même justes sont si inégaux qu’ils menacent la concorde, l’État réduit les écarts dans le sens de l’égalité en vertu du principe d’équité. Nul ne peut être privé d’un bien sans que l’utilité commune dudit bien soit démontrée et qu’une juste indemnité ne soit versée. Quand les règles de justice et d’équité ne suffisent pas à assurer à une personne sa dignité ni une vie décente, les citoyens se doivent de lui porter secours. L’aide aux handicapés est une charge commune. Si les facultés d’une personne la privent de son libre-arbitre, la collectivité prévoit sa protection.
  8. Chacun est propriétaire de sa vie et maître de son destin. Les intérêts particuliers se réalisent dans la sphère privée. La confrontation des intérêts particuliers s’opère par la voie de libres contrats. La loi respecte la liberté des partenaires dans l’appréciation de la valeur des biens échangés. Les ententes sur les prix des biens et des services, y compris le montant des salaires, sont interdites. Les salariés du secteur public sont assujettis à un devoir de réserve. La défense des intérêts des salariés du secteur public et du secteur privé relève des débats internes aux organes qui les emploient.
  9. Les citoyens s’assurent par l’épargne et la solidarité mutuelle contre les aléas de l’existence. La loi protège la société contre le risque d’imprévoyance d’un trop grand nombre. L’État garantit l’accès aux soins à ceux qui ne peuvent se prendre en charge. La loi fixe les conditions dans lesquelles les personnes valides bénéficiant de l’assistance publique sont redevables de contreparties envers la collectivité.
  10. La démocratie suppose des citoyens idéalement vertueux. Les familles veillent à l’éducation de leurs enfants. Elles sont libres de choisir la religion dans laquelle elles souhaitent qu’ils soient éventuellement élevés. L’État favorise l’accès de tous à l’instruction et à la compréhension des règles de la vie en société. Il ne facilite pas la tâche aux ennemis de la démocratie.

Déclaration élaborée à partir du Précis de la démocratie de Jean Baechler, édité par l’Unesco en 1993.

Jean Baechler et Guy Lardeyret, lors d’un voyage en Ethiopie (octobre 1997)